3 questions à Serge Guérin, sociologue spécialiste des questions liées au vieillissement

27 mai 2020 Contributions

Une loi peut-elle répondre à la demande croissante des seniors de vieillir chez elles ?

Nous sommes dans un moment particulier et unique qui concentre le projet de loi sur les retraites, celui sur l’accompagnement du grand âge, une mission sur les emplois du grand âge, ainsi qu’un rapport parlementaire sur l’image des seniors. La même unité pilote le tout mais je ne suis pas sûr qu’il y ait une visibilité globale.
L’enjeu de métier est central dans la question du grand âge car on peine à recruter suffisamment dans le secteur. Dans quelle mesure cette loi fera t’elle bouger les lignes ? La problématique est avant tout celle des personnes très âgées en perte d’autonomie, dont la part passera de 1,5 millions à 2,5 millions. Elle nécessite près de 20 milliards d’euros. La collectivité peut-elle le faire ? Veut-elle le faire ? Quelle sera la part du secteur privé ? Va t-on également faire de la prévention l’enjeu majeur ?
Ce qui me gêne, c’est cette impression d’une approche technique, plutôt qu’une vision globale, celle d’une société de la longévité qui prenne en compte nos différentes variétés.

 

Faut-il un changement profond du modèle d’accompagnement ?

Oui, il faut un changement profond prenant en compte le parcours de vie des personnes, leur situation géographique et sociale… La question du vieillissement n’est pas une question annexe. Bientôt, un tiers de la population aura plus de 60 ans. Il faut considérer que c’est la société dans sa globalité qui va être touchée par le vieillissement et la longévité. Nous sommes encore dans une approche par l’âge alors que ce devrait être une politique trans-générationnelle et d’adaptation de l’ensemble de la société à la fragilité, à la prévention et au vieillissement.

 

Comment aider les aidants et a t’on pris la mesure du problème ?

Le congé proche aidant est un bon début, mais il est limité à 3 mois et plafonné à 47 euros. Il faut également se rendre compte que des personnes âgées en accompagnent d’autres.
Plus globalement, on manque de moyens humains, de professionnels de l’accompagnement, mais aussi d’organisation plus efficiente. Il y a un besoin potentiel de 300 à 500 000 postes à créer dans le secteur. C’est l’enjeu de valoriser, accompagner, former à ces métiers, car à ce jour, il y a un énorme déficit de vocations.
La question de la fragilité, y compris dans les entreprises, nécessite un accompagnement global, mais aussi une valorisation : être fragile, c’est aussi une force !
Si la solidarité nationale doit mettre de l’argent sur la table, d’autres acteurs sont à mobiliser. Je pense en particulier aux mutuelles.

Serge Guérin

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